Groupe Scout Ruzizi Rapide/Goma,RDCongo - Totem et totemisation |
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1. C’est quoi un totem ?
S’appeler par des noms
“spéciaux”, c’est faire de la
troupe un monde un peu à part.
C’est permettre à l’éclaireur de
se rendre compte qu’il n’est ni à
l’école, ni en famille, ni au foot
mais bien “chez les scouts”. Offrir
un totem, c’est un merveilleux
moyen de souligner les
qualités d’un éclaireur !
Pour montrer à l’éclaireur qu’il
est un membre de la troupe sur
qui on peut compter, qu’il lui
apporte un plus, elle va lui donner
un nom. Ce totem correspond
à ce que l’éclaireur représente
pour elle, dans son univers.
Un nom qui dit comment
les autres membres de la troupe
le perçoivent. Ce totem, c’est le
nom d’un animal qui lui ressemble
tant au niveau du caractère
que physiquement. Avec
son totem, l’éclaireur reçoit un
“quali”, un qualificatif, qui met en
avant une de ses principales
qualités reconnues par la
troupe.
???????????? Un cadeau, un symbole pour l’éclaireur
???????????? Un outil éducatif pour l’animateur
La fête des totems est tout simplement ce
qui vient ponctuer le processus d’intégration,
de “prise de place” au sein de la troupe. Ce
n’est donc pas la totémisation en soi qui est
importante ! Ce qui est par contre fondamental,
c’est le message de soutien et de
reconnaissance envoyé à un ado de 12 ou
13 ans.
Ceci peut évidemment paraître violent ou
choquant à première lecture. On comprendra
peut-être mieux le caractère relatif du
totem en se rappelant que nous sommes
quasi les seuls scouts au monde à totémiser…
et qu’il y a donc aujourd’hui
28.000.000 de scouts sans totems ! Quelle
horreur ou plutôt quelle chance à saisir pour
recadrer les choses et faire vibrer notre
particularisme : un réel plus pour aider un
ado à grandir.
Tous, nous souhaitons un scoutisme de
qualité, porteur de sens. Aussi est-il nécessaire
de régulièrement se remettre en question,
de “s’asseoir et faire un plan” : pour
vérifier que les moyens mis en oeuvre correspondent
bien à l’objectif poursuivi.
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« Ce que les futurs totémisés savent :
ce ne sera ni humiliant, ni douloureux,
ni effrayant. Ils pourront refuser leur
totem. Totem qui sera choisi en fonction
de leur personnalité. Tout cela en plus
évidemment d’un climat de respect et
de bienvenue dans la troupe. Il faut les
mettre dans le bain de la vie de troupe
le plus vite possible. Car la troupe, ce
sont tous les éclaireurs ! Et pas les
seuls totémisés ! »
Jérôme, Ans
« L’animateur doit rassurer les nouveaux
éclaireurs par rapport au totem. Bien sûr, il
ne faut pas tout dire car il est important de
garder une part de mystère. Mais il faut très
clairement expliquer qu’il s’agit d’une fête en
l’honneur de l’éclaireur. Logiquement, le
jeune éclaireur peut avoir peur de l’inconnu.
A nous animateurs de le tranquilliser. Ce
point est aussi à travailler avec les CP. Les
remarques du style : “tu verras à ta tot’, tu ne
perds rien pour attendre”… sont des contremessages
terribles ! »
Hugues, Libramont
0 quelle continuité entre la meute et la
troupe ?
0 comment sont préparés puis vécus les
passages ?
0 un système de parrainage dans
les premiers mois pour aider à
s’y retrouver ?
0 quel état d’esprit face aux
nouveaux ? De la main d’oeuvre
pas chère pour les tâches dont
les vieux ne veulent pas ?
0 quelle place pour s’exprimer ?
0 quelle place pour s’éclater est
réservée aux nouveaux ?
0 est-on prêt à remettre des
choses en question pour que la
vie de la troupe colle davantage
à ces nouveaux membres ?
0 qui décide en conseil de
patrouille ?
0 quelle est la responsabilité du
CP par rapport aux plus
jeunes ? Qu’est-ce que le staff
met en oeuvre pour soutenir les
CP ?
Et puisque l’on parle de ponctuation du processus d’intégration dans le groupe, c’est
donc bien toute la première année à la troupe qui est sur le grill !
Parce que l’accueil, plus qu’un
moment particulier, c’est d’abord
une attitude générale !
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Oui, la fête des totems c’est…
Parce qu’il est parfois bon aussi de relativiser
certaines “vérités”, de rappeler
certains principes, voici quelques pistes
de réflexion :
- Oui, accueillir, fêter la reconnaissance
du nouveau au sein du groupe,
lui dire « tu es des nôtres et on est
content que tu sois là »... Oui cela, c’est
fondamental. Et c’est le devoir de chacun
d’y contribuer.
- Oui, la fête des totems est bien une
particularité, une spécificité de notre
scoutisme belge. Une manière pour
nous de visualiser, de célébrer ce « tu es
désormais des nôtres, tu es avec
nous ».
- Oui, Baden-Powell a bien été appelé
Impeesa (le loup qui ne dort jamais),
mais il s’agit seulement là de son totem
le plus connu. En fait, il a reçu un totem
différent dans chaque tribu avec laquelle
il entrait en contact, des dizaines donc.
- Oui, on peut facilement imaginer notre général anglais de fondateur recevant un de ses
totems (chef de guerre victorieux, respecté par ses ennemis et représentant de sa très
gracieuse Majesté). Il a dû crouler sous les cadeaux et les marques d’honneur. Au lieu de
fidèlement plagier ce qui a toujours été fait dans la section au nom de la “tradition”, n’y
gagnerait-on pas à s’inspirer du modèle original ?
- Oui, si la fête des totems veut bien dire que c’est une chance pour la troupe de pouvoir
compter sur toi, alors cette fête doit arriver dans le courant de la première année à la
troupe.
- Oui, il appartient à la troupe de se creuser, de travailler, d’y mettre tout son talent, son
temps et son coeur pour trouver ce qui ferait plaisir à l’éclaireur qui va recevoir son totem.
Plus la troupe aura donné dans la préparation de l’action à accomplir par le scout, plus elle
marquera qu’elle compte sur lui, qu’elle l’estime.
- Oui, le secret est un élément important mais un “secret positif”, un peu comme avant un
anniversaire où l’on sent que quelque chose se prépare. On ne sait pas quoi, on ne sait
pas quand, mais on est juste sûr d’une chose : ce sera bien et encore un peu plus ! Mes
amis me préparent une fête. Si les louveteaux qui doivent passer à la troupe entendent
parler de cette fête plutôt que de supposer des horreurs... peut-être seront-ils plus
nombreux à effectivement en devenir membres.
- oui, la fête des totems est un événement important de la vie de l’éclaireur (l’ampleur,
l’ambition, la signification donnée à ce geste en sont la preuve), mais n’est jamais qu’un
des neuf rendez-vous (badge, brevet, promesse, etc.) à la troupe qui ont chacun une
importance aussi vitale pour rendre possible un scoutisme de qualité.
2. Comment choisir un totem ?
Si la fête des totems marque “la bienvenue
à la troupe”, il est logique que ce soit toute
la troupe qui participe à ce choix. Mais
impossible évidemment de tout réfléchir et
décider à vingt-cinq ou trente ! Un petit peu
d’organisation s’impose donc logiquement.
Ce qui est important, c’est de donner l’occasion
à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice,
de partager sa réflexion. Clairement, le
choix du totem ne peut pas être réservé au
seul staff.
???????????? Qui va choisir ?
« Je voudrais insister sur deux
choses pour le choix d’un totem :
- Associer toute la troupe au choix
du totem, avec un peu d’organisation,
c’est possible. Cela marque
le fait que c’est bien la troupe – et
pas quelques aînés – qui accueille.
- Ne pas sortir les livres trop tôt !
Sinon, on perd son temps à les
feuilleter et on n’y voit plus très
clair. Il faut d’abord bien réfléchir
au profil et puis alors seulement
se lancer dans les recherches. »
Jérôme, Ans
???????????? Voici plusieurs propositions pour aider la troupe
dans le choix du totem et du quali
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Remarques :
- Bien évidemment, le futur totémisé
n’est pas présent lors de ces conseils le
concernant.
- Et pourquoi pas aller demander son
avis au staff Louveteaux. Après tout, ils
le connaissent bien aussi !
- Rien n’interdit - et c’est même mieux et
plus riche - de demander leur opinion
aux autres éclaireurs non totémisés. Ils
le connaissent bien, sont parfois dans la
même classe…
L’eurovision du totem
0 La troupe sans les futurs totémisés fait un grand brainstorming
ludique. Un panneau par nouvel éclaireur avec différentes colonnes :
physique, qualités, goûts, hobbys…
0 Une colonne est ajoutée après quelque temps sur les totems possibles.
0 Chaque patrouille se réunit et donne son top 3 des totems, en
donnant des justifications pour les 3 noms.
0 Le staff “dépouille” les top 3 et fait une proposition aux patrouilles. Le
totem qui revient le plus et la justification la plus fréquente feront
sûrement un totem et un quali.
Un Athos, Porthos et Aramis par d’Artagnan
0 2 ou 3 éclaireurs ou animateurs se mettent ensemble
pour définir les caractéristiques d’un nouvel
éclaireur.
0 Ce groupe de trois élabore ensuite une liste de
totems possibles ainsi que les qualis appropriés.
0 Chaque groupe se réunit alors avec le staff complet
pour choisir une possibilité.
0 La proposition finale est faite à l’ensemble de la
troupe.
0 Si la proposition n’est pas retenue, le petit groupe
de travail s’y remet et ainsi de suite.
Conseil de famille
0 Le staff et quelques invités (copain ou CP du futur
totémisé) listent les différentes caractéristiques de
l’éclaireur. Il y a autant de petites réunions que de
nouveaux éclaireurs.
0 Plus tard, le staff fait alors le point sur les traits de
chaque éclaireur et propose un totem et un quali.
0 Les petites réunions ont lieu à nouveau, afin d’examiner
la proposition du staff.
Les grands reporters
0 Chaque animateur est responsable d’un
ou plusieurs nouveaux éclaireurs. Il prépare
un questionnaire, quelques thèmes
et va interviewer les éclaireurs proches
du futur totémisé (copain, famille,
CP…).
0 Il compile ces informations et fait ressortir
les caractéristiques principales.
0 L’animateur fait quelques recherches
sur des totems et qualis possibles.
0 Le staff fait conseil pour analyser le
travail et prépare une proposition définitive.
0 Le projet est annoncé en conseil de
troupe.
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????????????Un totem… positif
Le totem doit dire comment la troupe se représente
l’éclaireur, tout en mettant en avant les qualités de
celui-ci. Certains choix sont donc impossibles : il
s’agit d’aider à trouver sa place d’une manière positive
dans le groupe. Sont dès lors exclus tous choix
de totem pour blesser ou rabaisser.
Pas de justifications abusives
Pour justifier l’attribution d’un totem, certains se lancent
parfois dans des raisonnements un peu particuliers, avec
des explications très très pointues autour du psychologique
des “bêbêtes”. Par exemple : ton totem sera
Mouette parce que tu es débrouillard comme cet animal,
qui parvient toujours à trouver à manger… Gaffe donc à
rester un minimum réaliste et juste dans les raisonnements
fournis.
Deux écueils à éviter :
- être trop original : c’est-à-dire aller
choisir un nom d’animal dont personne
ne connaît l’existence. Pense
alors que toute sa vie, cet éclaireur
passera son temps à devoir expliquer
que son animal totem est une variante
de la sous-espèce de tel animal qui
habite uniquement à tel endroit.
- ne pas être assez original : c’est-àdire
automatiquement retomber sur
les mêmes totems. Pas marrant non
plus pour un éclaireur d’être systématiquement
comparé à “l’autre Tapir, le
vrai, le modèle original !”. Il vaut donc
mieux laisser couler un peu d’eau
sous les ponts avant de ré-attribuer
un totem.
A chaque troupe de se constituer au fur et à
mesure sa petite bibliothèque pour aider
dans le choix de l’animal totem. Un conseil
cependant : ne commencer à ouvrir ces
livres qu’après avoir “dressé le profil” des
qualités et caractéristiques de l’éclaireur.
Sinon, tu risques de passer beaucoup de
temps à feuilleter des pages sans trop savoir
que chercher.
0 des encyclopédies
0 des fichiers animaux
0 sur internet
0 des encyclopédies pour jeunes (à préférer
aux “ grosses encyclopédies, souvent
trop complètes et te noyant sous les
détails)
???????????? Où trouver des références sur les animaux ?
????????????Quelques pistes
pour se poser des questions
0 quels sont ses hobbies en dehors des
Scouts ?
0 quel est son chanteur préféré ?
0 qu’aime-t-il manger ?
0 quel est son cours préféré ?
0 ses centres d’intérêt ?
0 …
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???????????? Possibilité de refuser
son totem
« Expliquer le pourquoi du choix
du totem : c’est très important.
Cela va aussi montrer à l’éclaireur
que la troupe s’est décarcassée
pour lui, que le choix a été mûrement
réfléchi. Bref, que les choses
ne sont pas prises à la légère. »
Jérôme, Ans
Un totem, c’est un
quelque chose qui
doit faire plaisir.
Donc si malheureusement,
la troupe a
choisi un totem dont
l’éclaireur a horreur,
il est logique qu’il
puisse le refuser.
Rappe lons-nous
l’objectif : aider à
être bien dans sa
peau et dans le
groupe. A la troupe
alors de re-réfléchir.
Ne pas s’y prendre trop tard dans le choix
du totem. Commencer seulement à réfléchir
le matin du grand jour au choix du nom est
sans doute casse-cou. C’est certainement
avant le camp que les patrouilles doivent se
mettre à réfléchir. Pour se donner toutes les
chances de trouver le bon totem !
S’y prendre dans les temps donne aussi
l’occasion d’associer toute la troupe au
choix du totem.
???????????? Timing : pas trop tard
???????????? Montrer l’animal totem
Il est très important de montrer l’animal
totem à l’éclaireur : une photo, une fiche
d’identité... Mais aussi lui donner des idées
de livres, de référents où il pourra en savoir
plus sur son totem.
3. Comment préparer
la fête des totems ?
Ce que tu vas découvrir dans ce chapitre
pourrait te surprendre, être quelque peu différent
de ta pratique. Sois curieux et lis jusqu’au
bout pour te laisser interpeller !
???????????? Trois éléments indispensables
14
« Un jeu pendant toute la journée, par
groupe d’âges. Les jeunes éclaireurs
sont donc en dehors du camp toute la
journée, ce qui nous laisse temps et
espace pour préparer la fête. Il s’agit
de leur préparer une vraie et grande
surprise. Ils sont en fait les seuls à
jouer, mais ils ne s’en rendent pas
compte car ils croisent assez régulièrement
d’autres éclaireurs qui leur font
croire qu’ils participent aussi au jeu.
Alors que tout le reste de la troupe
retrousse ses manches pour ce grand
soir… »
Jérôme, Ans
Voilà la question basique à se poser pour préparer la
totémisation d’un éclaireur : qu’est-ce qui lui ferait plaisir ?
Chaque totémisation sera donc différente, vu que la fête va
“coller” à l’éclaireur qui reçoit son totem.
Il vaut donc mieux s’y prendre tôt assez, car il y aura sans
doute du matériel à préparer.
Le fil conducteur : comment va-t-on pouvoir lui montrer, lui
prouver “qu’on est content qu’il soit là”. Il
s’agira donc de faire preuve d’imagination
pour préparer une fête des totems au top.
C’est donc la troupe qui va bosser, retrousser
ses manches pour construire une cérémonie
exceptionnelle.
- A la fête des totems, l’éclaireur qui se fait
totémiser “n’a rien à prouver”. Il a participé
régulièrement aux activités de la patrouille et
de la troupe depuis une
petite année. Il a déjà
montré ses qualités,
tout ce qu’il pouvait apporter
à la troupe.
- A la fête des totems,
c’est la troupe qui va
montrer au totémisé
qu’elle le reconnaît et
qu’elle a besoin de lui.
C’est donc à la troupe
“de faire ses preuves”.
Comment ? En construisant une cérémonie
exceptionnelle, où le totémisé sera au coeur
de l’action.
- A la fête des totems, l’éclaireur qui reçoit
son totem doit se dire : « Bon sang, toutes
mes copines et tous mes copains se sont
vraiment décarcassés pour moi. Avec tout
ce qu’ils ont imaginé et préparé rien que
pour moi, c’est un signe fort : ils m’apprécient,
je compte pour eux ».
Comment changer les choses dans ma troupe ?
Dans la partie 7, tu trouveras des pistes pour élaborer
des stratégies de changement dans ta troupe.
Des conseils sur la manière de t’y prendre, sur comment
faire bouger les choses. Page 31
???????????? Qui doit prouver quoi ?
???????????? Qu’est-ce qui lui ferait plaisir ?
« Il est fondamental d’associer tous les
éclaireurs à la construction de la
cérémonie. »
Hugues, Libramont
« On réalise un fil d’Ariane
“humain”, c’est-à-dire que tous les
membres de la troupe sont en
quelque sorte le fil d’Ariane. Disséminés
sur tout un parcours, ils appellent
le jeune éclaireur par son
prénom qui en bout de parcours
arrive à l’endroit de la fête. »
Benoît, St-Laurent
15
Pour présenter ce qu’est une fête
des totems, on peut la comparer
avec un anniversaire surprise. Tu
ne sais pas très bien ce qui va
arriver, ni où, ni quand cela va se
produire.
Mais, tu es sûr d’une chose : des
copines et des copains à toi se sont
décarcassés pour te faire une surprise,
pour préparer un chouette
moment à passer ensemble. Ils se
sont creusés pour voir ce qui te
ferait plaisir. Ils y ont mis du temps,
du talent et du coeur pour te mitonner
une fête extraordinaire.
Une totémisation, c’est cela. Avec
en plus la remise d’un animal totem.
Construire ensemble un cadeau
La pointe éducative à la troupe, c’est apprendre
à construire avec d’autres. Voici
donc une occasion unique de retrousser
ses manches, et pour la bonne cause :
apprendre à construire ensemble une cérémonie
pour montrer toute la reconnaissance
de la troupe.
Attention, on se situe bien dans un processus
d’apprentissage. Les éclaireurs vont
dès lors être le plus possible acteur dans ce
projet mais le rôle du staff reste crucial :
poser le cadre qui rendra cette construction
possible; puis épauler, soutenir, aider à
construire.
???????????? Un peu comme pour un anniversaire surprise
???????????? Du point de vue de
l’éducateur scout
Pédagogie de l’accueil
Quel type d’homme, de société voulonsnous
contribuer à bâtir ? Quel est le fil
rouge de notre animation à la troupe ? Que
deviennent nos beaux principes d’ouverture,
de tolérance, de respect quand on
zoome sur ce volet précis de l’animation
qu’est la totémisation ?
Tout d’un coup, nos belles paroles et ce
pourquoi on se bat en général auraient
disparu. Comme s’il y avait deux facettes à
notre personnalité. Apprendre à accepter
l’autre tel qu’il est, avec ses défauts et
qualités constitue une de nos principales
missions comme responsables éducatifs
scouts. Tout le monde est d’accord sur le
concept d’une fraternité mondiale entre tous
les scouts, la militance pour la paix dans le
monde, l’enrichissement par les différences
mutuelles…
Et bien, que l’on mette en oeuvre ces beaux
principes concrètement ! L’outil totémisation,
bien employé, est alors génial. “Avec
tes défauts et tes qualités, nous t’accueillons
et, surtout, sens-toi bien parmi nous.”
Quant à ceux qui ne sont pas d’accord avec
cela, qu’ils se lancent alors dans une révision
de la Loi scoute pour inclure des articles
du style : le scout écrase et humilie
les autres; le scout veut être le premier…
16
Un cadre, mais pas n’importe
lequel.
Ainsi le port de certains
masques, de certaines tenues
donne parfois aux cérémonies
des allures peu compatibles
avec l’esprit du scoutisme.
On est alors plus
proche de la secte, style Ku
Kux Klan ou autre.
Une bonne question : que
penserait un extérieur qui ne
sait rien de nous en nous
voyant ? Ou encore : quels
commentaires ferait l’émission
Strip-Tease d’une telle
cérémonie ? Est-ce que j’oserais
inviter ma mère à cette
fête ?
Eh oui ! La loi pénale s’applique aussi dans
les troupes et lors des totémisations. Sans
vouloir tomber dans le “dramatique”, il est
cependant intéressant de rappeler certains
principes ! Parcourons quelques articles
pour mieux comprendre ce que cela
signifie :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à
des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
» (art. 3, convention européenne
des droits de l’homme)
« Est coupable d’homicide ou de lésions
involontaires, celui qui a causé le mal par
défaut de prévoyance ou de précaution,
mais sans intention d’attenter à la personne
d’autrui. » (art. 418 du code pénal)
« Sera puni (…) quiconque ayant la garde
d’un enfant âgé de moins de seize ans (…)
aura négligé l’entretien de cet enfant (…) au
point de compromettre sa santé. » (art. 420
bis du code pénal)
« Sera puni (…) celui qui s’abstient de venir
en aide ou de procurer une aide à une
personne exposée à un péril grave (…). »
(art. 422 bis du code pénal)
Non, non et encore non ! En plus des responsabilités pénales
que cela engendre automatiquement dans le chef d’animateurs
qui se lancent dans pareilles aventures (ou qui laissent
consciemment ce genre de choses se commettre, ce qui
revient finalement au même), il y a de gros risques pour le
développement harmonieux de l’adolescent. De telles pratiques
peuvent causer des dommages irréparables aux jeunes
qui sont confiés au scoutisme, justement pour être soutenus
dans leur processus de développement.
Dans la foulée, posons aussi qu’il n’est pas possible de
réveiller un éclaireur pour sa totémisation.
Donc, ok pour un cadre imaginaire pour une fête des totems,
mais un cadre propice qui va faire rêver, porteur de tout le
sens de l’accueil mais pas de climat de peur.
???????????? Faut-il faire peur ?
???????????? Refus des masques et autres
Responsabilités pénales de l’animateur
17
La plupart des troupes ont un vocabulaire
spécifique. No problème si cela contribue
au cadre imaginaire, que cela aide chacun
à se plonger dans l’aventure.
Mais il faut oser se poser des questions par
rapport à certaines terminologies employées
et aux valeurs qui sont alors sousentendues
:
- Rabaisser les jeunes éclaireurs par des
sobriquets du style : bleu, coyote… est-il
bien compatible avec une fête
de l’accueil ?
- Humilier quelqu’un, l’affubler
d’un sobriquet ridicule… voire
l’insulter n’ont rien à voir avec
le scoutisme.
La fête des totems, c’est une
cérémonie d’accueil. Inventons
donc des mots, des expressions
qui accueillent
véritablement !
D’accord, la nuit contribue à la beauté du
cadre, entretient l’imaginaire… mais soyons
tout de même attentifs à quelques limites :
- La longueur des cérémonies peut poser
problème : une moitié de troupe endormie
ne fait pas tellement accueil.
- La journée du lendemain est alors un peu
remise en question, est moins vivante.
Peut-être y a-t-il alors moyen de s’organiser
autrement : commencer durant la journée,
bonne gestion du timing…
Sans pourtant revoir la qualité de la cérémonie
à la baisse (cf les trois éléments indispensables
pour une fête des totems).
???????????? Pourquoi obligatoirement la nuit ?
???????????? Quid du vocabulaire
employé ?
Une action commune pour tous
les totémisés
« En plus de l’accueil personnalisé,
tous les jeunes éclaireurs sont invités
à vivre un grand moment ensemble.
Par exemple : une descente en radeaux
aux flambeaux, un parcours
cuistax... Pas d’humiliation ni
d’épreuve, juste le plaisir de vivre un
truc unique pour laquelle toute la
troupe s’est décarcassée pour le
construire. »
Benoît, St-Laurent
18
D’où vient alors ce quasi omniprésent
besoin de “faire
passer des épreuves” ? Copie
de pratiques étudiantes ?
Manifestation d’un besoin
d’autorité ? Reproduction de
ce que l’on a toujours vu
faire ? Difficulté d’imaginer
autres choses ?
Ou alors, les totémisations
sont un terrain d’aventures et
de dépassement de soi.
Mais, à entendre certains,
c’est un peu comme si cette
cérémonie était le seul réel
moment où l’on vit quelque
chose de grand et de fort à la
troupe. Comme s’il était impossible
d’animer – il s’agit
bien de cela – des activités,
des actions où “le caractère
Mac Gyver ou Indiana Jones
ou…” serait au centre du processus.
Résolument, l’invitation est
faite de bien séparer ces
deux concepts :
- d’une part l’outil “fête des
totems”, qui est là pour marquer
la reconnaissance,
dans un processus d’accueil;
- d’autre part, tout le “champ
de l’aventure à la troupe”,
vivre des aventures folles,
se dépasser, maîtriser des
techniques, des noeuds…
tout un tas de choses passionnantes
et fortes qui ont
pleinement leur place dans
l’animation de troupe. Mais
comme le risque est grand
de mélanger les genres et
parfois de déraper, vivons
ce dépassement de soi en
dehors de la fête des totems.
Pour être encore plus
clair : il y a plein de choses
à créer, lancer, innover dans
l’animation de troupe autour
du concept “Indiana Jones”,
“aventurier”… Lançons-nous
dans cette voie, mais en dehors
de la totémisation. Ce
qui permettra en plus à toute
la troupe, et aux patrouilles,
de vivre ces moments
intenses !
???????????? Pourquoi des épreuves alors ?
Voilà un type d’argument
souvent employé pour justifier
tout (ou presque) dans la
construction des cérémonies.
Un petit recadrage s’impose
donc.
Quand une tribu faisait passer
ce genre de rites initiatiques
à ses enfants, c’était
pour en faire des hommes ! A
l’époque, en effet, l’adolescence
n’existe pas. On passe
de suite du statut d’enfant à
celui d’adulte. Et la tribu doit
pouvoir compter sur un guerrier,
un bon chasseur… bref
sur quelqu’un qui sera utile à
la tribu. Les épreuves – qui
durent alors plus d’une nuit –
ont pour but de “faire le tri” :
seuls les membres rentables,
qui ont fait leur preuve continueront
donc à être membres
de la tribu.
Le scoutisme (début 1900),
lui, naît grosso modo en
même temps que l’adolescence,
c’est-à-dire une
tranche de vie où l’on n’est
plus enfant, sans posséder
encore toutes les caractéristiques
d’indépendance de
l’adulte. Même si la maturité
sexuelle, entre autres, est
bien présente.
Ce qui nous ramène à la
mission de responsable éducatif
de l’animateur vis-à-vis
de l’éclaireur : un adolescent
qu’il s’agit d’aider à grandir.
D’autant plus que la troupe
entend vivre aussi en dehors
de ces critères de rentabilité !
???????????? Des épreuves... comme dans les tribus ?
19
????????????Interview d’un Grand Sachem
Archie a rencontré, pour toi, Chamois, un grand sachem. Il nous fait part de son
expérience. Dans sa troupe, on a en effet beaucoup réfléchi au sens de la totémisation.
Archie : Qu’est-ce qui est le plus important
pour bien préparer une fête des
totems ?
Chamois : Un climat d’accueil et de
fête. C’est cela qui est le plus important
pour moi. La fête des totems, c’est le
moment qui “finalise” l’intégration d’un
nouveau dans la troupe. Je me souviens
avoir dû bien expliquer cela dans
ma troupe : la totémisation, ce n’est
pas faire passer des épreuves que
l’éclaireur peut réussir ou rater.
A : Justement, c’est quoi alors ?
C : C’est tout le contraire. Cet éclaireur, il est avec nous depuis
un an. C’est durant toutes les activités de l’année qu’il nous a
prouvé ce qu’il valait. Donc je trouve bizarre de lui faire passer
des épreuves. A la fête des totems, c’est toute la troupe qui
construit une fête pour un des siens dont elle est particulièrement
fière. Si tu veux, l’épreuve est plutôt pour la troupe.
Serons-nous à la hauteur ?
Allons-nous pouvoir imaginer et préparer une cérémonie qui va
“toucher le coeur” du jeune éclaireur ?
A : Comment préparez-vous cela ?
C : Il faut d’abord bien se renseigner. Il n’y a pas que les animateurs qui connaissent bien
le jeune éclaireur, il y a les membres de sa patrouille, ses anciens animateurs Louveteaux.
Il y aussi les autres jeunes éclaireurs. Pour moi, il n’y a pas de problème à les
associer à la réflexion, car c’est souvent eux qui le connaissent le mieux !
Ce qu’on recherche, c’est ce qui fera plaisir à l’éclaireur en question. On construit une
cérémonie rien que pour lui. C’est très personnalisé.
A : Qu’en pensent les éclaireurs ?
C : Ils sont “à fond” dans le système. C’est très stimulant et très créatif. Je trouve cela
vraiment génial de les voir se décarcasser pour préparer des fêtes de totems au top. Cela
a généré un climat de grand respect de chacun au sein de chaque patrouille et de la
troupe. Chez nous, personne n’a peur des totémisations.
A : Un conseil pour les éclaireurs ?
C : Celui d’oser se lancer dans ce genre de fête des totems… qui cadre tout à fait avec la
totémisation de Baden-Powell (fondateur du scoutisme). Moi, je me dis que quand tu es
général britannique, que tu es donc un chef de guerre victorieux, et qu’une tribu pour
t’honorer te remet un animal totem (ndlr : Impeesa, le loup qui ne dort jamais), ils ont
certainement dû lui construire une cérémonie grandiose et pleine d’admiration et de
respect. Ça, c’est la vraie tradition des totémisations.
20
0 Faire revenir un ou des nouveaux éclaireurs
observés depuis quelques mois dans un climat
d’accueil chaleureux.
0 Prévoir nécessairement une bonne dose de
respect et d’humour.
0 Ajouter une pincée d’originalité.
0 Servir avec un zeste de mystère (pour le fun) et
un cadeau.
Le tout à déguster par tous (et surtout le nouveau
totémisé) dans une ambiance de fête.
Pour l’indiquer sur ton uniforme,
plusieurs manières (au choix) sont
possibles en fonction des habitudes
de ta troupe :
0 le graver sur ton ceinturon
0 le broder en blanc sur le rabat
de la poche droite de ta chemise
0 porter le noeud au couleur de
ton totem à l’épaule droite (voir
tableau des couleurs dans ton
Scout-pass)
Ce qui est très chouette aussi,
c’est de peindre le totem de
chaque membre de la patrouille
sur sa chaise ou sur la table à sa
place.
La troupe se réunit en cercle et entonne un chant en
tournant. A la fin du chant, chacun se tourne les bras
croisés en regardant le centre du cercle. Tour à tour, en
soulevant ses bras croisés, chacun proclame son totem
et son quali. Après que chacun ait parlé, on refait
la danse.
La Danse des Totems
Qu’ils sont beaux les totems
Du fils du hibou
Que nos braves sachems
Ont choisis pour nous.
Gravés dans une poutre
Au bord du Brahmapoutre
Ils nous sont passés outre
De chez les Hindous.
Et vous, et nous.
Il est possible que ta troupe ait un chant légèrement
différent car ces paroles se perdent presque dans la nuit
des temps...
Une totémisation, c’est comme un anniversaire, ça se
prépare !
Comment veux-tu vraiment fêter l’anniversaire d’un
copain sans prendre le temps de réfléchir à qui va
faire quoi, quand, de quelle façon, pour que ce soit
une réussite, pour lui et pour tous.
D’abord par un regard bienveillant et attentif de tous
les patrouillards. Ce sont eux qui le connaissent le
mieux. Mais bien sûr, l’aide du staff et des autres
éclaireurs est indispensable : pour bien évaluer l’importance
de cette présence nouvelle et pour préparer
la fête qui marquera d’une façon inoubliable l’attribution
du totem.
« Attention à la longueur des
cérémonies. Et aussi à
rendre les éclaireurs actifs,
car rester trois ou quatre
heures sans avoir rien à faire,
c’est long pour des ados.
D’où également des risques
de dérive. Il faut leur donner
l’occasion de dépenser positivement
leur énergie, entre
autres, en associant toute la
troupe à la préparation ainsi
qu’à l’animation de la fête. »
Benoît, St-Laurent
Dix trucs pour rater la fête des totems
0 oublier de préparer les choses à l’avance et donc tout
improviser en dernière minute
0 choisir un nom d’animal pour se moquer, c’est tellement
plus marrant
0 organiser une fête des totems pour que seuls ceux déjà
totémisés s’amusent
0 imposer des épreuves qui sont dévalorisantes
0 attendre le quatrième camp pour donner le totem
0 opter pour un lieu banal, sans rien de particulier
0 gagner du temps en se passant de décorum, de cadre symbolique
0 décider que seuls les CP préparent la fête des totems
0 attribuer le totem par tirage au sort
0 construire la fête en se basant sur tout ce que l’éclaireur n’aime pas
On peut aussi se poser des questions sur la pertinence de faire
passer des épreuves dont on sait d’avance que, quel que soit le
résultat, l’éclaireur aura de toutes façons son totem.
Ou alors c’est que chez toi, l’éclaireur peut rater ses épreuves ?
Epreuves qui sont par ailleurs décidées par la troupe pour lui et
donc l’échec signifie la non intégration.
Quel sens derrière tout cela ?
Et quelle utilité de parler d’épreuve si tout le monde réussit ?
???????????? Epreuves, vous avez dit épreuves ?
????????????Rôle du maître de cérémonie
Le maître de cérémonie est là pour piloter et dynamiser l’animation de la fête.
Quelques-unes de ses missions :
- timing : doit veiller au bon déroulement chronologique des choses, pour
éviter entre autres de trop grandes pertes de temps (qui mises bout à
bout peuvent représenter pas mal de temps)
- prise de parole : distribuer la parole en fonction des missions, éviter que
tout le monde parle en même temps, donner le bâton de parole y
compris aux plus timides
- ambiance, décor : par son attitude, sa motivation, le maître de cérémonie
va faire beaucoup pour que toute l’assemblée baigne dans le thème
choisi
- un climat d’accueil : son rôle fondamental, garantir que chacun sera
respecté et reconnu pour que cette fête garde tout son sens
Hugues, Libramont
4. Quand organiser la fête des totems ?
Envisageons ce débat maintenant en partant
de la responsabilité éducative de l’animateur.
A quoi sert le totem ? S’il s’agit bel et bien
d’un outil, d’un moyen pour favoriser l’intégration
d’un ado dans le groupe, alors il ne faut
pas tarder pour vivre cette fête des totems.
Un an semble donc un délai à la fois raisonnable,
réaliste et performant pour donner à ce
grand moment toute sa force et lui permettre
de remplir clairement son rôle.
Vouloir totémiser après deux ans ou plus,
c’est clairement utiliser “l’outil totem” à une
autre fin que celle de soutien à l’intégration
dans le groupe.
Deux questions se posent alors :
- Que met en oeuvre le staff au terme de la
première année pour ponctuer cette “prise
de place” au sein de la troupe ? Autrement
dit quel moment de reconnaissance positive
est vécu par et pour les éclaireurs ? Car
pour rappel, c’est bien là, normalement, tout
le sens de la totémisation. Et peu importe
l’outil finalement pour autant que les objectifs
soient rencontrés !
- A quoi sert alors la totémisation ? Signe de
bagages techniques ? Moment particulier
d’aventure ? Voire même moment particulier
d’animation pour les aînés (une sorte de
plus prévu pour les ados de 15 ans par
exemple) ? Ou tout simplement copie de
“ce que l’on a toujours fait” ?
???????????? Mais quand est-ce possible ?
???????????? Un choix éducatif
« Surtout ne pas rentrer
dans un système où l’on ne
peut totémiser qu’au grand
camp. Car si un éclaireur
loupe ce camp… cela reporterait
automatiquement
l’attribution de son totem à
un an plus tard. Un weekend
à la Toussaint ou à la
Noël peut très bien convenir
alors. »
Benoît, St-Laurent
29
Le qualificatif est donné en même temps que le totem. Il est là pour souligner une
qualité particulière que possède l’éclaireur. Il est dès lors logiquement “acquis”.
5. C’est quoi un quali ?
???????????? Une qualité à mettre en avant
Participant en plein à ce processus
de reconnaissance positive,
le quali donne l’occasion
de compléter utilement le choix
du totem.
C’est une bonne occasion de
mettre en avant ce que l’éclaireur
apporte comme plus à la
vie de patrouille et de troupe.
0 De nouveau, tout est question de bien savoir à quoi servent le totem et le quali.
0 Clairement, en donnant un qualificatif à acquérir, on sort du champ de la reconnaissance.
On rentre dans une autre logique où il s’agit d’inviter l’éclaireur à se dépasser. Ce
qui ouvre deux questions :
- Nos pratiques en la matière sont plutôt de responsabiliser au maximum l’éclaireur dans
tous les choix le concernant. Or, manifestement, ici, ce nouveau défi lui est plutôt
imposé. Quelle marge de manoeuvre est laissée à l’éclaireur ? Comment est-il impliqué
dans ce choix ?
- Une autre question, encore plus fondamentale et pratique : est-il prévu un moment où le
quali devient acquis ? Sinon à quoi sert-il ? Quelle cohérence entre inviter quelqu’un à
se dépasser dans une thématique et ne rien prévoir pour constater in fine les découvertes
effectuées ? Et, de nouveau, comment alors l’éclaireur est-il pleinement partie
prenante ?
???????????? Employer le quali
Trop souvent, le qualificatif reste confidentiel, n’étant
cité qu’exceptionnellement. C’est dommage ! Il y a là
une perte un peu bête. D’autant plus que si on ne l’utilise
jamais, qu’on n’y fait jamais référence, pourquoi en
attribuer un ?
Une piste : certaines troupes commencent systématiquement
leur veillée par le chant des totems au cours
duquel chacun dit son totem ainsi que son quali.
???????????? Que penser des qualis à acquérir ?
30
Baden-Powell a proposé dans ses ouvrages des mythes comme thèmes
d’activités ou comme exemples pour expliquer le sens du service, de
l’observation… C’est ainsi qu’il parle de la chevalerie, de St-Georges, des
Zoulous, des Indiens… Ces idées et ces mythes ont pu mettre en avant
des usages initiatiques.
Dès avant 1914, des staffs avaient utilisé les moeurs de certaines tribus
comme thèmes de jeux, notamment les us et coutumes des Indiens
d’Amérique. Ces usages étaient connus surtout grâce à la littérature pour
jeunes. Les romans de Fenimore Cooper (Le dernier des Mohicans, La
prairie, Le tueur de daims, Bas de cuir…) et de beaucoup d’autres avaient éveillé chez les
jeunes le rêve des Peaux-Rouges. On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure cela
correspondait à la réalité car les romans ne mettaient pas en lumière la culture, la civilisation,
la structure sociale de ces tribus.
Comme Baden-Powell prône les danses autour du feu de camp, est née l’idée de mimer
quelques scènes du Far-West, d’exécuter une ronde plus ou moins iroquoise. Et, le jeu aidant,
est apparue aussi l’idée de décerner en guise de “noms de guerre” des sobriquets plus ou
moins amusants souvent inspirés directement
des livres pour jeunes : Flèche Rouge, Loup
Bavard, OEil d’Aigle, Visage de pluie, Vieux Castor,
Pingouin Tapageur…
Baden-Powell finit même par écarter carrément
l’une ou l’autre personne qui confondait
la pédagogie avec des mythes outrancièrement
exploités.
Une forte réaction vit le jour dans le scoutisme
catholique français contre ces
“dérives païennes”. Le résultat en fut l’exacerbation
de la mythologie et de la mystique
de la chevalerie.
Il en reste aussi dans les troupes de notre
pays l’attribution d’un animal totem à
chaque éclaireur. Nous sommes les seuls
scouts au monde à totémiser !
6. Et qu’en disait BP ?
Au départ, une constatation étonnante : Baden-Powell ne parle pas de
totémisation. Il a cependant introduit le mot '‘totem'’ dans le vocabulaire
scout pour désigner l’animal qui donne son nom à la patrouille. Il dessina
par la suite un modèle de bâton-totem pour les louveteaux. Y a-t-il vu
autre chose qu’un amusement ou un terme commode ?
???????????? Origines
Baden-Powell a reçu une multitude de totems,
de surnoms, quasi un dans chaque tribu qu’il a
côtoyée. Impeesa, le loup qui ne dort jamais, en
est le plus connu.
???????????? Ce qu’il en reste
???????????? Réactions de Baden-Powell
On a malheureusement vu aussi certains pousser
à fond, après 14–18, ce mythe des “peuples
primitifs”, ce peau-rougisme bien souvent de
pacotille. Cela a parfois été très loin. Baden-
Powell dut réagir :
« Quelques-uns s’imaginent que par woodcraft,
on veut dire qu’il faut se costumer en Peaux-
Rouges avec plumes, totems, wampum et
autres paraphernaux. Mais cela n’est pas tout.
Par woodcraft, nous entendons simplement la
connaissance et la pratique du campisme, la
vie dans les bois, l’étude la nature. »
(Headquarters Gazette, novembre 1919)
« Je prétends qu’un garçon pour devenir un
vrai scout n’a nullement besoin de recevoir un
“nom”. Il n’est pas indispensable qu’il s’appelle
Tigre Bleu ou Loup Vert, ni qu’il porte une robe
bigarrée au lieu de la chemise éclaireur et des
plumes dans les cheveux… Rêver que vous
êtes un scout me paraît contenir plus d’idéal et
de romanesque, plus de pensées pratiques de
dévouement et de bonheur que de rêver que
vous êtes un Peau-Rouge. ” (Headquarters Gazette,
mars 1920)
31
Ce n’est évidemment pas tout d’être convaincu personnellement
“qu’il faut faire quelque chose pour améliorer les totémisations”,
encore faut-il convaincre les autres. Et puis passer à
l’action concrètement.
7. Comment améliorer nos pratiques ?
???????????? Stratégies de changement
Stratégies avec “s” parce
qu’il n’y a pas une seule manière
de faire. Bien sûr, il y a
des principes de base à respecter
mais après, il faudra
construire la stratégie au cas
par cas, l’affiner en fonction
de la réalité de la troupe.
1. Etre au clair par rapport
à soi. Quelle est ma conception
de la fête des totems ?
Quel est mon idéal ? Vers
quoi je souhaite voir la troupe
tendre ?
2. Convaincre le staff.
C’est-à-dire faire partager
au staff mes convictions et
décider ensemble de ce
vers quoi on souhaite aller.
3. Analyser la situation
dans la troupe. Comment
les choses se passent
aujourd’hui ? En quelque
sorte une photo de la situation
aujourd’hui :
- pointer ce qui est positif
aujourd’hui;
- pointer ce qui est à améliorer,
voire à changer radicalement.
4. Quels sont mes alliés ?
C’est-à-dire tout ce qui va
pouvoir m’aider : des bons
réflexes déjà acquis dans la
troupe, des personnes
(autres anims, certains éclaireurs,
parents, etc.) qui peuvent
apporter leur soutien au
projet…
5. Quels sont les freins ?
Exactement le contraire de la
question précédente : qu’estce
qui va freiner – ou hurler
au scandale ? Quelles sont
les personnes qui ne vont
pas être d’accord avec ces
changements ?
6. Elaboration de la stratégie
proprement dite. Cette
stratégie va évidemment tenir
compte des différents éléments
pointés ! Une bonne
analyse de la situation étant
un must avant l’établissement
de toute stratégie. On
peut distinguer différents
types d’intervention :
A chacun son héritage !
Chaque troupe est le fruit de sa propre évolution… dont j’hérite
quand je deviens animateur. Il y a des points positifs et des points
négatifs dans cet inventaire. En tant qu’animateur, tu n’es donc pas
responsable du passé de la troupe, mais il te faut l’assumer. Et si
besoin, résolument mettre le cap vers une autre manière d’animer.
Ta responsabilité est pleinement engagée quand tu es conscient
d’un problème et que tu ne bouges pas !
32
Stratégie de l’intervention d’un tiers
Il peut arriver que les choses soient à ce
point ancrées dans les mentalités ou les
résistances trop fortes qu’il est difficile de
changer les choses du dedans. La stratégie
est alors de faire intervenir un extérieur
(animateur d’unité, animateur fédéral…) qui
pourra plus facilement pointer du doigt là où
le bât blesse. Voire mettre un bon coup de
pied dans la fourmilière pour permettre
d’ouvrir le débat.
???????????? Ne jamais oublier les CP
Stratégie des petits pas
Il s’agit ici d’y aller progressivement, étape
par étape. D’abord, le staff doit très clairement
déterminer ce vers quoi il veut tendre.
Ensuite, la technique est de “grignoter” à
chaque fois des améliorations (sur lesquelles
bien sûr on ne revient pas). Au bout
de deux ans, il y a ainsi moyen d’avoir fait
pas mal évoluer les choses.
Cette technique est donc plus douce que la
précédente et peut s’appliquer notamment
si les appuis nécessaires à un changement
radical ne sont pas tous réunis. Mais il faut
bien sûr rester durant ces deux ans comme
animateur ou être sûr d’un suivi effectif par
les successeurs.
C’est l’abc de toute stratégie à la
troupe : prendre en compte les CP.
Il faudra sans doute mouiller sa chemise
pour les convaincre et dépasser
leurs résistances, mais le jeu en
vaut la chandelle.
S’ils sont convaincus, c’est le meilleur
soutien du staff… et la meilleure
garantie qu’une totémisation parallèle
ne va pas se développer dans la
patrouille. Il faut donc les faire adhérer
au projet à au moins 100 %.
Partir en week-end CP (staff + les
CP), sac au dos, pour “les travailler
au corps” est une bonne piste !
Stratégie de changement radical
Du jour au lendemain, tout va changer, quitte à faire
un virage à 180 degrés. L’avantage est d’aller vite à
l’essentiel et d’éviter aussi des dures négociations
pour des petits changements. Mais cette stratégie
ne peut fonctionner qu’avec beaucoup d’audace ou de
solides appuis : les CP sont convaincus qu’il faut changer
les choses, le staff est légitimé aux yeux de la
troupe… Le staff doit avoir mené une solide réflexion et
proposé une formule de remplacement qui tient la route,
qui a de la gueule !
L’autre grand avantage comme les choses changent
tout de suite, c’est que les nouveaux éclaireurs de
l’année bénéficieront tout de suite d’une réelle fête des
totems ! Elément qui n’est tout de même pas à négliger.
33
Il est bien évidemment des choses sur lesquelles
il est impossible de transiger. Tout ce
qui concerne l’intégrité physique, le respect de
la personne, ce qui est défendu par le code
pénal.
???????????? Pas de compromis
« Quand on interroge les éclaireurs sur ce qui leur tient le plus à coeur dans une
totémisation, c’est le “que l’on s’en souvienne” qui revient le plus souvent. D’où les risques
de dérives, d’épreuves poussées jusqu’au bout pour être sûr que cela marque.
Les aînés ont parfois aussi un sentiment de frustration quand le changement arrive. Ils ont
vécu un autre système. Ils considèrent la nouveauté comme ringarde !
Nous avions choisi en staff de tout changer en une fois. Tout le monde était bien d’accord
sur ce qu’on ne voulait plus et ce vers quoi on voulait tendre. Restait à savoir comment on
allait y arriver…
Une réflexion a été menée avec les aînés : à quoi cela sert-il ? Et surtout comment marquer
positivement ? C’est sans doute un des noeuds pour réussir une bonne fête des totems :
donner des responsabilités à chacun des éclaireurs. Car si je n’ai rien à faire, le risque est
grand que je cherche à m’occuper… et pas toujours positivement. On retombe ainsi sur un
principe cher à BP : confier des responsabilités aux éclaireurs.
Tant dans la construction, la préparation de la fête que lors de son déroulement, un maître
mot : tout le monde bosse. Il faut en quelque sorte canaliser toute l’énergie des aînés dans
un sens positif. Ils regorgent d’imagination et de compétences. Plutôt que de mettre tout
“contre” le jeune éclaireur, il faut réussir à le mettre “pour”. On est aussi parti en week-end,
staff et CP, pour bien mettre les choses au point.
Mais le staff doit aussi oser poser le cadre et très clairement dire qu’il y a des choses qu’il
veut changer. Toujours en expliquant aux éclaireurs le pourquoi, mais le cap est clair.
La première année, celle du changement, est la plus dure. Il faut tenir le coup. Car après,
ce sera une nouvelle tradition, “positive” cette fois, qui sera la référence. Le jeu en vaut la
chandelle. »
Jérôme, animateur de troupe, Ans
???????????? Ce que j’ai toujours vu faire = la norme
Si j’ai toujours vécu des totémisations dans un certain schéma,
toute nouveauté me paraît incongrue, déplacée. C’est comme
cela qu’arrivent bien vite des arguments du style : une
“totémisation cadeau”, ce n’est pas du scoutisme.
C’est en fait plutôt un raccourci pour dire que cela représente un
changement radical dans les pratiques. C’est la situation de
départ à ne jamais perdre de vue. Raison de plus donc pour
relativiser tous ces arguments qui tournent autour de cette
norme fondée sur le seul vécu personnel.
Le job de l’animateur est justement alors d’aider à relativiser, à
prendre du recul et surtout de montrer qu’ailleurs les choses se
vivent autrement.
34
Une expérience sur la mémoire a été menée en 1974 par Milgram, un psychologue américain.
Un médecin en blouse blanche proposa à des personnes de l’aider dans sa recherche sur
l’apprentissage de la mémoire. Après avoir lu des informations à un malade ligoté sur une
chaise, le volontaire devait lui poser des questions de mémoire. A chaque mauvaise réponse,
il fallait lui administrer une décharge électrique afin de favoriser le recouvrement de la mémoire.
Les décharges administrées par l’interrogateur devaient croître en puissance au fur et à
mesure.
On pouvait entendre les cris et voir par un hublot les convulsions et l’évanouissement du
malade. Il a fallu, chaque fois que l’interrogateur hésitait à administrer une nouvelle décharge,
qu’il soit encouragé par le médecin. Le travail de l’interrogateur était d’autant plus difficile qu’il
était écrit “chocs dangereux” sur l’appareil à côté de la puissance de 375 volts. 65% des
interrogateurs atteignirent le stade de décharges de 450 volts présentées comme mortelles.
En fait, les décharges n’étaient pas vraiment envoyées et les
malades ligotés étaient des comédiens simulant la souffrance.
L’expérience ne portait en rien sur la question de savoir si les
chocs électriques sont ou non de bons incitants pour la mémoire,
mais sur la soumission à l’autorité.
Milgram conclut que :
- certaines personnes acceptent n’importe quel travail pourvu
qu’elles soient sous l’autorité d’une personne qui en supporte la
responsabilité;
- notre nature humaine connaît le “phénomène du premier pas” :
une fois que l’on a fait quelque chose (surtout quand c’est quelque
chose de stupide ou qui provoque une tension), on tend à se
justifier en continuant ce que l’on a fait, voire en l’amplifiant,
surtout si on s’est impliqué. C’est le principe du petit compromis
qui, de fil en aiguille, mène à la compromission.
On aime évidemment penser qu’on se situe parmi ceux qui ont
osé dire non ! Mais…
???????????? L’expérience de Milgram
« Le staff a invité les éclaireurs a réfléchir
avec lui autour des cinq sens : toucher,
goût, ouïe, vue et odorat. Nous voulions
absolument associer les éclaireurs au changement,
il fallait donc les impliquer et
construire ensemble une nouvelle fête de
l’accueil. Mais avec des balises, des règles
du jeu très claires : accueillir et reconnaître.
Pas d’épreuve bête et encore moins humiliante.
Nous avons ainsi créér des symboliques,
des petits trucs particuliers…
Le plus important pour nous, c’est d’être
parvenu à emmener les aînés avec nous,
les “rendre complices” et acteurs de la fête.
Peu importe donc ce que l’on crée concrètement
(il n’y a pas une vérité vraie); l’essentiel
est de le construire ensemble et de
canaliser ainsi leur énergie. »
« Il y a quelques années, les totémisations
n’étaient pas vraiment au top de
l’accueil chez nous. On s’est arrêté
pour faire le point : à quoi cela sert ?
Qu’est-ce que chacun va en retirer,
ancien comme jeune ? Cela nous a
permis de bien re-découvrir cette logique
de reconnaissance lors des totémisations.
Avec aussi des résistances. Ceux qui
avaient connu autre chose attendaient
de pouvoir le reproduire. Cela a demandé
beaucoup de travail de réflexion
et de conviction avec eux. L’important
pour le staff est de bien maintenir
le cap pour instaurer une nouvelle
tradition. » Benoît, St-Laurent
35
Le totem est donc bel et bien un outil, un moyen pour signifier à un ado de douze ou
treize ans : bienvenue à la troupe. Evitons de galvauder ce cadeau unique !
Et abordons en conseil d’unité une position commune sur le sujet, notamment pour
re-clarifier le fait que le totem est un rendez-vous de la seule troupe !
8. Et dans les autres sections ?
Jérôme, Ans
Nous avons porté le débat en conseil
d’unité pour réfléchir ensemble à une position
cohérente au sein de toute l’unité. En
effet, cela ne sert pas à grand chose de “se
battre” pour changer les choses à la troupe,
et tout mettre en oeuvre pour vivre une
réelle fête de l’accueil si une autre section
de l’unité décide de “totémiser” un intendant
par exemple.
???????????? En parler en unité
???????????? Un rendez-vous particulier
de la troupe
Deuxième problème : totémiser
des animateurs ou des intendants
contribue à entretenir cette sacralisation
abusive des totems.
Comme s’il était impossible d’être
un bon animateur (ou intendant)
sans avoir de totems. C’est faux…
et malsain. Même si l’intention de
marquer l’intégration d’un nouvel
anim dans la section est
louable et compréhensible, il
est important d’imaginer
d’autres pistes pour le vivre.
Troisième problème : la manière
de fêter l’arrivée et la bienvenue
d’un nouvel anim n’est pas toujours
un modèle du genre. Et en
tout cas peu transférable telle
quelle pour un jeune ado. D’où
difficulté supplémentaire pour la
gestion de la troupe.
Nous avons convenu que si un pionnier
qui n’a pas connu la troupe le
demande, cela était possible en en
parlant au préalable avec le staff de
troupe. En respectant évidemment
les principes de base et voulant
d’autant plus en faire un “modèle
positif du genre” avec des futurs
animateurs que sont les Pi.
???????????? Jamais d’exception ?
???????????? De la sacralisation
du totem
D’abord un problème sur le public, nous
revendiquons le totem comme rendez-vous
particulier à la troupe ! Il ne viendrait pas à
l’idée de grand monde de faire
des patrouilles avec des CP aux
Baladins. Idem pour des animateurs
Pionniers prenant des
noms de jungle. A raison, on leur
dirait : vous vous trompez de
cible. Et bien je considère que
c’est exactement la même chose
pour le totem : c’est un moment
particulier et réservé à la troupe.
36
Reprise d’une interview parue dans Sachem,
la revue des animateurs d’unité
Et l’animateur d’unité dans tout cela ?
S’il est un sujet chaud et parfois délicat à aborder avec les animateurs, la totémisation peut
sans conteste concourir pour la médaille d’or. Qu’il est parfois dur ou délicat de s’aventurer
sur ce terrain miné. Qu’il est parfois pluriel en terme de compréhension ce rite d’intégration.
Sachem a rencontré pour toi Raton laveur, alias Olivier Mazy, ancien animateur fédéral de
la branche Eclaireurs.
Sachem : Qu’est-ce qu’un animateur d’unité a à
dire par rapport à la totémisation ?
Olivier : A la fois tout… et pas grand chose.
Finalement, comme pour tout le reste de l’animation.
Car, en effet, la totémisation n’est pas “audessus”
des autres rendez-vous et temps forts de
l’animation. Il y a parfois d’ailleurs une sacralisation
abusive de cette totémisation.
Chaque animateur d’unité a donc exactement autant
à dire sur cette fête des totems que sur tous
les autres points de l’animation, quelle que soit la
branche dont on parle.
- savoir et ne pas agir,
c’est se rendre complice
- la totémisation est
une pratique “belgobelge”.
Nous sommes
quasi le seul pays à
vivre cette totémisation
Sachem : Pour toi, c’est quoi la totémisation ?
Oli : C’est un outil fantastique pour aider un ado de 12 ou
13 ans à prendre sa place dans le groupe.
La troupe va lui dire bienvenue parmi nous. Cela fait
quelques mois que tu es parmi nous, nous t’apprécions
tel que tu es – avec tes défauts et tes qualités – et on
veut te dire « c’est bon que tu sois là ». Pour te montrer à
quel point on compte sur toi, la section va t’organiser une
fête pour symboliser cet accueil.
C’est donc résolument par le prisme “outil éducatif” que
j’envisage les choses ici. Parfois cependant, il y a une
confusion des genres, et la totémisation devient une fin
en soi, une sorte de nec plus ultra. Malheureusement, on
oublie alors tout le sens qui est derrière.
Car ce qui est important, ce n’est pas la totémisation en
tant que telle. Non l’essentiel, c’est la mise en oeuvre d’un
moyen pour aider le jeune ado à trouver pleinement et
rapidement sa place dans le groupe. C’est pourquoi un
animateur d’unité, même non totémisé, a tout à fait sa
place dans le débat.
37
Sachem : Que conseillerais-tu aux animateurs
d’unités alors ?
Oli : Evidemment, la situation est très différente
d’une troupe à l’autre. Et il faut sans doute éviter de
braquer inutilement les animateurs qui pourraient
prendre des questions sur la totémisation comme
des “ingérences inadmissibles”.
En même temps, l’animateur d’unité est garant que
ce qui se vit dans les sections est bien du scoutisme.
Donc oui, il faut avoir ce débat, sereinement
mais clairement avec le staff : comment envisagezvous
les choses ? Cela vaut d’ailleurs peut-être
aussi la peine d’avoir ce débat en conseil d’unité ou
en y associant d’autres animateurs que ceux de la
troupe.
Régulièrement, je rencontre des animateurs Baladins
ou Louveteaux qui sont interpellés par ce qui
se passe à la troupe autour de cette totémisation et
qui en ont marre “d’avoir bossé pour rien”, vu que
leur ancien scout a quitté le mouvement (suite à un
climat “assez particulier” à la troupe) .
En tout cas, il n’est pas possible qu’un staff de
troupe refuse de dire ce qui se passe au camp.
Que ce soit pour la totémisation ou toute autre
activité d’ailleurs !
- « Il y a une confusion
des genres, et la totémisation
devient une fin en
soi. »
- « Des animateurs Baladins
ou Louveteaux… qui
en ont marre d’avoir
bossé pour rien. »
Sachem : Vouloir changer des choses dans
la troupe, c’est très certainement se heurter
à des résistances assez fortes ?
Oli : Avant de pouvoir changer les choses
concrètement dans la troupe, la première
étape indispensable est que le staff s’accorde
sur les grandes options de base. Comment
voulons-nous utiliser cet outil totémisation ?
L’animateur d’unité intervient évidemment
dans cette première phase.
Ensuite, il s’agira de mettre sur pied une stratégie
de changement. D’où venons-nous, vers
où allons-nous et comment ? A la troupe, il y a
un incontournable pour faire vivre un
changement : convaincre les CP. Ce sera la
mission principale du staff de troupe : leur
expliquer le pourquoi du changement de style,
s’appuyer sur leur soutien pour instaurer un
autre état d’esprit durant cette fête de l’accueil.
C’est sans doute le meilleur moyen pour éviter
qu’en parallèle d’une totémisation
“raisonnable” se développent des “fêtes d’accueil”
bis dans les patrouilles !
Car l’accueil, plus qu’un moment particulier,
c’est d’abord et avant tout un état d’esprit
permanent !
38
Une carrière bien remplie comme animateur fédéral de la branche lui en a fait entendre
un peu de toutes les couleurs autour de ces fameuses totémisations. Il ne peut dès lors
qu’inviter chacun à retrousser ses manches et à faire évoluer les pratiques dans sa
troupe. Car il y a encore du chemin à parcourir !
Trop souvent, les totems sont bien
sacralisés, devenant une fin en soi.
Toute la dimension “d’outil pédagogique”
est alors perdue de vue. C’est
aussi la porte ouverte à des excès.
S’interroger sur le sens de nos pratiques,
sur la plus value ajoutée par
chacune des actions animées par le
staff est indispensable. Résolument, il
faut oser y aller.
Oui, il est possible de construire une
réelle fête de l’accueil.
Non, cela n’est pas nul comme
concept, c’est même plutôt au coeur
de nos principes et de notre vision sur
l’Homme.
Oui, les éclaireurs peuvent prendre
leur pied dans la préparation d’une
fête des totems.
Non, il ne faut pas baisser les bras
devant les résistances; le jeu en vaut
la chandelle.
Y’aura des jardins, d’l’amour et du pain
On s’donnera la main tous les moins que rien
Y aura du soleil sur nos fronts
Et du bonheur plein nos maisons
C’est une nouvelle ère, révolutionnaire
Un monde nouveau, tu comprends
Rien ne sera jamais plus comme avant
C’est la fin de l’histoire, le rouge après le noir
JJG
Le totem, quel cadeau pour l’ado !
Je me permets d’attirer ton attention sur les
quelques éléments suivants :
- Revisiter toute la première année à la
troupe. Quelle place est laissée aux jeunes
éclaireurs ? C’est globalement là qu’il faut
changer les choses !
- Associer tous les éclaireurs à la construction
de grands moments, avant et pendant
la cérémonie.
- Savoir et se taire, c’est cautionner ! Il y a
obligation morale et légale à agir devant
certaines situations !
- Quelle fierté après coup d’avoir réussi pareil
changement dans la troupe ! Tu pourras
ainsi être fier d’avoir apporté ta pierre à
l’édifice.
A toi de jouer !
Olivier Mazy,
animateur fédéral Eclaireurs, 1995-2001
Conclusion
Olivier
Fait par : Alain Makasi (Aiglon Studieux)
AG DU GROUPE SCOUT RUZIZI RAPIDE
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